top of page
Rechercher

Pourquoi les décisions Vivendi rendues par la Cour de cassation intéressent-elles aussi le droit du travail ?

Dernière mise à jour : il y a 2 jours


Qui décide vraiment dans une entreprise ?  Comment déterminer l’étendue d’un groupe de sociétés ? Comment apprécier les difficultés économiques d’un employeur et la nécessité de mettre en œuvre un plan social ?
Qui décide vraiment dans une entreprise ?  Comment déterminer l’étendue d’un groupe de sociétés ? Comment apprécier les difficultés économiques d’un employeur et la nécessité de mettre en œuvre un plan social ?

Le 28 novembre 2025, la Cour de cassation a rendu deux décisions concernant l’affaire Vivendi (pourvois n° 25-14.467 et 25-14.362). Le présent article a pour objet d'expliquer pourquoi cette décision intéresse le droit du travail.

 

Les décisions rendues par la Cour de cassation font suite à un projet par lequel la société Vivendi avait annoncé une scission d’une partie de ses activités, qui avait entraîné un conflit entre les actionnaires.

 

Parmi les actionnaires « minoritaires » de la société Vivendi se trouvait la société Bolloré.

 

D’autres actionnaires minoritaire avaient alors saisi la justice afin, notamment, de faire reconnaître que la société Bolloré contrôlait dans les faits Vivendi, même si elle en était actionnaire minoritaire.

 

La cour d’appel de Paris avait considéré que Monsieur Bolloré exerçait bel et bien un « contrôle de fait » sur Vivendi au moment de la scission.

 

Pour caractériser ce contrôle de fait, la cour d’appel de Paris s'était reposée sur un faisceau d’indice et mettait, notamment, en avant la "notoriété" de Monsieur Bolloré, « son parcours professionnel, celui de ses fils ou son autorité personnelle au sein des assemblées générales de la société Vivendi ».

 

Contestant cette décision, la société Bolloré a porté l’affaire devant la Cour de cassation et la question suivante a été soumise à son examen :

 

Tel que le définit l’art. L. 233-3, I, 3° du code de commerce, le contrôle de fait exercé par une personne physique ou morale sur une société s’apprécie-t-il uniquement sur la base des droits de vote dont elle dispose en assemblée générale ou faut-il tenir compte d’autr1es critères d’influence sans lien direct avec ces droits de vote ?

 

Pourquoi cette question, qui semblait de prime abord intéresser uniquement le droit des sociétés, intéresse également le droit du travail ?

 

La réponse est simple : celui qui décide dans les faits a le dernier mot sur la stratégie du groupe et de la société (y compris en matière de ressources humaines).

 

Plus particulièrement, cette affaire renvoie directement à la notion de groupe au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques, l’obligation de mettre en œuvre un plan social, voire de reclasser les salariés pour préserver leur emploi.

 

En effet, l’article L. 1233-3 du code du travail énonce que :

 

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

 

La décision de la Cour de cassation a donc bel et bien une influence sur le droit du travail, car elle fixe les critères à partir desquels un groupe peut être constitué.

 

Pour illustrer ces propos prenons le schéma suivant, sur lequel la société mère détient 100 % du capital des sociétés A, B et C et l’ensemble de ces sociétés sont situées en France :

 

ree

Ici un groupe est constitué par l’ensemble de ces sociétés.

 

Il conviendra alors ensuite de déterminer les société faisant partie du même secteur d’activité pour apprécier les difficultés économiques.

 

La situation est ainsi relativement simple.

 

En revanche, il arrive parfois qu’une société ne détienne pas la majorité du capital, mais exerce, dans les faits, un influence considérable sur les décisions en assemblées générales.

 

C’est tout l’intérêt de l’affaire Vivendi, la Cour de cassation devant déterminer si la cour d’appel de Paris avait correctement caractérisé cette influence.

 

Au cas d’espèce, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris en retenant qu’une personne exerce un contrôle de fait sur une société si elle :

 

  • détient, pendant une durée significative, directement ou indirectement, plus de la moitié des voix exprimées en assemblées générales ; 

 

  • ou détermine, pendant une durée significative, le sens du vote en assemblées générales par le seul exercice des droits de vote dont elle dispose directement ou indirectement.

 

La Cour de cassation a donc énoncé que la cour d’appel de Paris a commis une erreur de droit en ne s’appuyant pas sur ces critères.

 

Elle a retenu que la cour d’appel de Paris ne pouvait uniquement s’appuyer sur la notoriété de Vincent Bolloré, son parcours professionnel, celui de ses fils ou son autorité personnelle au sein des assemblées générales de la société Vivendi pour dire qu’il contrôlait cette société.

 

L’ affaire a été renvoyée devant les juges du fond qui seront amené à rejuger les faits conformément aux critères dégagés par la Cour de cassation.

 

Il reste donc à savoir sur quels éléments de faits les juges du fond vont se reposer pour caractériser cette influence.

 

Affaire à suivre donc.

 
 
 

Commentaires


bottom of page