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8 mars 2025 : temps partiel en France et droit de l’Union européenne, les femmes seraient-elles indirectement discriminées ?

Dernière mise à jour : 10 mars


Sommaire de l'article :


  • Introduction

  • I) Une différence de traitement entre les femmes et les hommes découlant du droit national

  • II) Une solution potentielle apportée par le droit de l'Union européenne


Le droit français pourrait-il discriminer indirectement les femmes ?
Le droit français pourrait-il discriminer indirectement les femmes ?

Nous sommes aujourd’hui le 8 mars 2025, Journée internationale des droits des Femmes.


L’une des problématiques sociétales récurrentes les concernant, qu’il convient de traiter objectivement, est celle de la rémunération :

 

En France, les femmes gagnent moins bien leur vie que les hommes…

 

Ce poncif ne ressort pas d’une hallucination sociale ou propre à chacun...


I) Une différence de traitement entre les femmes et les hommes découlant du droit national

 

En 2023, dans le secteur privé, le revenu salarial moyen des femmes était inférieur de 22,2 % à celui des hommes, selon l'INSEE.


Outre la question du plafond de verre, cet écart s’explique, en 2023, en partie par le fait qu’elles sont davantage employées à temps partiel. La DARES précise, en effet, que plus d’une femme sur quatre travaillait à temps partiel en 2023, contre un homme sur dix.


Or, de manière difficilement justifiable, le droit du travail français défavorise, de facto et peut-être involontairement, les travailleuses à temps partiel.


Plus particulièrement, l'article L. 3121-36 du code du travail prévoit que les travailleurs à temps plein bénéficient, sauf exception, d'une majoration de salaire :


  • de 25 % pour chacune des 8 premières heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée de référence pour le calcul d’heures supplémentaires,  


  • et de 50 % au-delà.


Tel n’est pas le cas des salariés à temps partiel qui ne bénéficient, aux termes de l’article L. 3123-29 du code du travail et sauf exception, que d’une majoration de salaire :


  • 10 % pour les heures complémentaires accomplies dans la limite du 1/10ème de la durée fixée dans le contrat,


  • Ou de 25 % pour chaque heure accomplie au-delà (dans la limite d’1/3 de la durée du contrat de travail).


Comme souligné supra, le temps partiel concerne, dans les faits, majoritairement des femmes. Celles-ci semblent donc indirectement défavorisées concernant la majoration de leurs heures complémentaires.


CQFD !


Mais alors, le fait que la loi désavantage, de facto, indirectement les femmes peut-il constituer une discrimination indirecte ? Est-il possible de la contester ?

Le débat est ouvert !


II) Une solution potentiellement apportée par le droit de l'Union européenne


Il est constant que le droit de l’Union européenne permet éventuellement d’écarter des dispositions nationales dans un litige, voire de condamner l’Etat à des dommages-intérêts, ce qui peut amener le législateur à réviser le droit interne.


La CJUE peut également être interrogée sur le sujet, par le biais d'une question préjudicielle (domaine notamment maîtrisé par le Cabinet).


En effet, la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour de cassation ont déjà souligné les modalités de la supériorité du droit de l’Union européenne sur le droit national (en ce sens, notamment : CJCE 15 juillet 1964 affaire 6-64 (Costa C/Enel) ; Cass. ch. mixte 24 mai 1975, n° 73-13.556).


Or, le droit de l'UE prévoit des dispositions particulières en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.


Plus particulièrement, l’Union européenne s'est notamment fixée comme objectif, pour toutes ses actions, d’éliminer les inégalités, et promouvoir l'égalité, entre les hommes et les femmes (art. 8 du Traité sur le fonctionnement de l'UE).

 

A cet égard, l’UE oblige les Etats-Membres, et donc la France, à assurer l’application du principe selon lequel les hommes et les femmes doivent percevoir un salaire égal pour un travail de même valeur (article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).

 

Et la Cour de justice de l’Union européenne souligne sans ambiguïté que cette règle est invocable dans un litige entre un employeur et un salarié (CJUE 3 juin 2021, affaire C-624/19).

 

Enfin, la clause 4 de la directive 97/81/CE sur le temps partiel prévoit que les travailleurs à temps partiel doivent bénéficier des mêmes droits que le travailleurs à temps plein, sauf à ce que la différence de traitement repose sur des raisons objectives.


Sur le fondement de ces principes, la Cour de justice de la Communauté européenne (maintenant Cour de justice de l'Union européenne) a déjà retenu qu'une règlementation allemande relative à la rémunération des heures complémentaires des enseignants était contraire au droit de l'UE, dès lors que :


  • dans les faits, les femmes étaient, statistiquement, en majorité bénéficiaire d'un temps partiel,


  • et que la règlementation allemande aboutissait à ce qu'elle perçoivent une rémunération inférieure à celle des salariés à temps plein, pour le même travail.


Il est important de préciser, ici, que la règlementation allemande sur le temps partiel des enseignants, tout comme la règlementation française relative au temps partiel en droit privé, ne visait pas spécifiquement les femmes.


Dans cet arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne a dégagé le principe suivant et souligné qu'elle s'opposait aux règlementations nationales relatives au temps partiel, même indirectement discriminantes :

 

« dans l'hypothèse où cette différence de traitement affecterait un nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes et dans la mesure où il n’existerait pas de facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe susceptibles de justifier une telle différence de traitement […] »

 

 

Et c’est bien là que le bat blesse !

  

Pour que cette différence de traitement soit licite, celle-ci doit être justifiée par des raisons objectives.

 

Quelles sont donc ces mystérieuses raisons objectives justifiant que les heures complémentaires des salariés à temps partiel soient moins bien rémunérées que les heures supplémentaires des salariés à temps plein ?


Elles sont à mon sens difficilement identifiables.


Le principe général dégagé par la CJUE pourrait, alors, permettre de discuter notre droit interne.


Il serait, donc, potentiellement possible de faire écarter le droit national dans un litige entre un employeur et un salarié ou d'obtenir des dommages-intérêts de l'Etat pour mauvaise transposition de la directive 97/81/CE précitée sur le temps partiel.


Cependant, l'arrêt de la CJUE concernait une situation différente de celle des salariées à temps partiel en droit du travail français, de sorte qu'il convient d'être prudent et de se garder d'affirmer que le droit de l'UE à un justiciable d'obtenir gain de cause à coup sûr.


Notre cabinet d'avocat intervient en droit du travail et se distingue par une approche stratégique et créative, qui tient compte avant tout de vos intérêts. Rendez-vous sur l'onglet prendre rendez-vous pour nous exposer votre problématique.



 
 
 

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